Européennes 2024 France TV a-t-elle « zappé » des clips de listes au profit de Bardella et Hayer ?

Depuis deux jours, plusieurs têtes de liste constatent que leurs clips de campagne qui devaient être diffusés à une heure de grande écoute ont été remplacés sur les chaînes de France Télévisions par ceux des deux grands favoris du scrutin. « Une erreur », plaide le groupe audiovisuel. L'Arcom a été saisie.

Joël Carassio - 30 mai 2024 à 12:03 | mis à jour le 31 mai 2024 à 11:11 - Temps de lecture :
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Le siège de France Télévisions. Photo Sipa/Franck Lodia
Le siège de France Télévisions. Photo Sipa/Franck Lodia

L'alerte est d'abord venue du Parti Pirate dès mercredi matin : mardi soir, les clips de campagne de sept « petites listes » parmi les 38 candidates aux élections européennes n'ont pas été diffusés à 20 h 40, comme prévu par le tirage au sort opéré par l'Arcom (ex-CSA). Mais bien plus tôt dans la journée, à une heure de moindre écoute. À la place, ceux des deux listes « favorites » du scrutin, celle de Jordan Bardella (RN) et celle de Valérie Hayer (Besoin d'Europe, majorité) ont été diffusés à cet horaire très prisé.

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Une erreur isolée ? Peut-être... Mais dès le lendemain, rebelote : l'eurodéputé sortant Pierre Larrouturou (tête de liste de Changer l'Europe), constate le même dysfonctionnement, au détriment de sept autres listes - dont la sienne. « Incroyable : Depuis deux jours, France Télévisions diffuse les clips de campagne du RN et de Renaissance à 20 h 40 au lieu des sept autres clips » prévus, s'émeut-il.

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Résultat, les clips de ces listes ont été diffusés à une heure de moindre audience : le créneau de 20 h 40 étant de loin le plus regardé. C'est même pour cela que l'Arcom procède à un tirage au sort pour déterminer les dates de diffusion : que chaque candidat puisse bénéficier autant que les autres des mêmes conditions de diffusion. Les deux formations annoncent avoir saisi l'Arcom. Contactée, l'Autorité de régulation a indiqué avoir « mis en demeure » France Télévisions et la société France Médias Monde « de se conformer à leurs obligations ».

France Télévisions reconnaît « une erreur »

Du côté de France Télévisions, l'heure est à l'embarras. « Effectivement il y a eu un incident de diffusion. Les clips de campagne de ces petites listes ont été diffusés, mais pas aux bons horaires », nous confirme Cyril Guinet, directeur réglementation et déontologie chez France Télévisions. « Il y a trois créneaux de diffusion » pour chacune des 38 listes, imposés à chacun des supports : France 2, France 3, franceinfo, et les chaînes et radio ultramarines ». « Il y a eu une interversion », assume Cyril Guinet. Qui assure être « en lien avec l'Arcom qui, de toute façon, a été saisie par les concernés, pour trouver une solution ».

L'erreur, répétée deux jours de suite, n'est pas encore expliquée : « On ne sait pas ce qui s'est passé, on a lancé un audit. Vu de l'extérieur ça a l'air simple à faire, mais c'est assez complexe, surtout avec trois créneaux et 38 listes. On a une expertise de longue date et en général il n'y a pas de problème, mais là il y en a eu un », concède Cyril Guinet, un peu gêné. Il évoque comme possible cause le lancement « concomitant » d'un nouveau logiciel, sans certitudes. « Maintenant, l'Arcom va décider et on va s'exécuter », promet-il.  Contactée, l'Arcom nous confirme avoir été saisie sur le sujet. Elle n'est toutefois pas encore en mesure de nous détailler comment l'erreur de France Télévisions sera rectifiée. Selon le candidat du Parti Pirate Pierre Beyssac, elle fait « tout son possible pour que l'erreur soit corrigée dès aujourd'hui ».

Pierre Larrouturou. Photo Sipa/Juliette Avot

Pierre Larrouturou : « On nous prend pour des couillons ! »

Le candidat est en colère : « C'est vraiment scandaleux, pour une chaîne publique, de s'asseoir sur ce que lui a demandé l'Arcom », déplore Pierre Larrouturou. Il estime que la France « est déjà l'un des pays les plus verrouillés pour les nouveaux partis, face à des vieux partis qui n'arrivent pas à résoudre la crise sociale, climatique, politique, démocratique ».

« On était très contents parce que le tirage au sort nous avait désignés pour passer en premier, à 20 h 40, mardi soir, à une heure de grande écoute sur les chaînes du service public. Et à notre stupeur, on découvre que c'est encore et toujours l'extrême droite et LREM qui sont diffusés. On nous prend pour des couillons ! », regrette le candidat. Qui se montre incrédule face aux explications de l'audiovisuel public : « Une "erreur", deux jours de suite ? Ils prennent les gens pour des imbéciles :  bizarrement ça n'arrive pas quand ils projettent la Grande Vadrouille... », s'amuse-t-il.

Il espère désormais une réponse rapide de l'Arcom - la campagne officielle prend fin le 7 juin à minuit. Mais « même si c'est rectifié, c'est un symptôme parmi d'autres d'une crise démocratique qui est très très grave », ajoute-t-il : « Le pays ne va vraiment pas bien, et l'Arcom qui devrait "réguler" n'intervient en général qu'a posteriori pour "déplorer" les inégalités de temps de parole », conclut Pierre Larrouturou, amer.