Société Ordinateurs et téléphones trop chers : ils subissent la « précarité numérique »
Dans notre société du tout numérique, difficile de vivre sans appareil connecté. Études, travail, démarches administratives… Toutes nos tâches quotidiennes (ou presque) s’effectuent désormais sur un écran. Alors pour ceux qui n’ont pas les moyens de s’équiper correctement, c’est souvent la double peine.
Selon le baromètre numérique de l’Arcep et du Crédoc, 87 % des Français de 12 ans et plus possédaient un smartphone et un ordinateur en 2023. Des chiffres certes élevés, mais qui ne doivent pas occulter les millions de Français non équipés. Parmi eux, nombreux sont ceux à faire l’impasse non par choix, mais par contrainte financière. C’est ce que l’on appelle la « précarité numérique », qui forme avec l’illectronisme « la fracture numérique ».
Les premiers concernés
Selon un récent sondage OpinionWay pour le site de produits reconditionnés BackMarket (*), 87 % des Français considèrent que les appareils numériques coûtent trop cher. Un sentiment partagé par Jean-Jacques, un septuagénaire qui a répondu à notre appel à témoignages : « Il est très difficile de s’équiper correctement à cause des prix prohibitifs. »
L’an dernier, le prix moyen d’un smartphone neuf était de 566 euros et celui d’un ordinateur portable autour de 1 550 euros, selon des données du cabinet GfK et du comparateur Idaleo. De quoi refroidir de nombreux consommateurs : 63 % voudraient remplacer ou acquérir un appareil numérique dans les prochains mois, mais 42 % n’ont pas les moyens nécessaires, d’après l’enquête citée plus haut. Si plus de 50 % des Français puisent dans son épargne pour s’équiper, ils sont presque aussi nombreux (47 %) à repousser, voire à renoncer à leur achat, faute de moyens.
En définitive, 45 % de la population dit s’être déjà sentie en situation de précarité numérique. Une proportion qui grimpe même à 62 % chez les jeunes, dont le budget est souvent plus contraint. Le phénomène n’épargne pas non plus les ruraux et les moins diplômés, nettement moins équipés que le reste de population, selon baromètre de l’Arcep et du Crédoc.
Coincés car pas connectés
Subrepticement, la précarité numérique contribue ainsi à l’exclusion des plus précaires, en les éloignant de certains droits et opportunités. Se connecter à l’intranet de l’école de ses enfants, refaire ses papiers d’identité, suivre une formation en ligne… autant de choses impossibles à réaliser sans équipement numérique.
À l’heure où les guichets des agences bancaires sont « de plus en plus fermés », Adrien, lui, nous raconte ses difficultés pour accéder à son compte bancaire : « Il me faut un PC récent connecté à internet, un abonnement téléphonique et un téléphone avec reconnaissance faciale ou empreinte digitale. » Une situation que cet habitant de Bischoffsheim (Bas-Rhin) qualifie d’« ubuesque ».
Le manque d’équipement numérique peut aussi nuire à la carrière des plus modestes. Aujourd’hui, un Français sur quatre se dit freiné dans sa vie professionnelle à cause d’un équipement numérique insuffisant. Et cela vaut aussi pour l’isolement social, dont souffrent davantage les moins connectés d’entre nous.
Quelles solutions ?
Alors comment s’en sortir, entre cherté des appareils et injonction à la dématérialisation ? Pour John, un Montbéliardais de 50 ans, il suffirait de ne pas s’acheter « les équipements dernier cri ». D’autres, comme Dominique, un habitant de Sornay (Saône-et-Loire), envisagent de se tourner vers « les magasins discount ou vers le reconditionné ».
Des solutions existent aussi pour les plus précaires. LaCollecte.tech permet ainsi aux entreprises et aux collectivités de céder les appareils informatiques dont elles ne se servent plus. Ces derniers sont ensuite reconditionnés par des personnes éloignées du monde professionnel, puis proposés à des prix solidaires. L’initiative, lancée par Emmaüs Connect, a profité à plus de 13 500 foyers depuis 2020. Elle permet en moyenne d’économiser 230 euros sur l’achat d’un ordinateur et 165 euros sur celui d’un smartphone.
(*) Étude OpinionWay pour BackMarket réalisée du 24 au 25 juillet 2024 auprès d’un échantillon de 1 017 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.