Allemagne Slogans nazis, pro-russe... Qui est Björn Höcke, qui a fait gagner l'extrême droite en Thuringe ?
Chef de file de la frange la plus radicale de l'AfD, Björn Höcke a mené l'extrême droite allemande jusqu'à la victoire dimanche en Thuringe.
Dimanche soir, un séisme politique a eu lieu outre-Rhin. En arrivant en tête en Thuringe, l’Alternative für Deutschland (AfD), parti anti-migrants, eurosceptique et pro-russe, a permis à l’extrême droite de remporter son tout premier scrutin régional depuis l’après-guerre. En Saxe, l'AfD est arrivée en deuxième position, talonnant les conservateurs.
En Thuringe, l’un des plus petits Länder du pays, l’AfD était menée par l’une des figures les plus radicales et controversées de l’extrême droite : Björn Höcke. Originaire de l'ouest de l'Allemagne, cet ancien enseignant d'histoire de lycée de 52 ans s'est bâti une réputation de tribun provocateur au sein de sa formation, dont il anime la frange la plus radicale.
Né le 1er avril 1972, Björn Höcke a grandi au sein d'une famille convaincue par des thèses d'extrême droite, sous l'influence de grands parents paternels expulsés de Prusse-Orientale conquise par l'Armée rouge en 1945. Raie sur le côté, cet homme svelte au regard bleu acier plaide pour rompre avec la culture de repentance des crimes nazis, fondement de l'après-guerre dans le pays.
Slogans nazis
En janvier 2017, il avait qualifié le Mémorial de la Shoah, au cœur de Berlin, de « monument de la honte », lors d'un discours à Dresde, en Saxe, et son exclusion de l’Alternative für Deutschland avait été envisagée. Quelques mois avant les élections, Björn Höcke a été condamné à deux reprises pour avoir délibérément utilisé, dans des occasions distinctes, le slogan national-socialiste « Alles für Deutschland » (« Tout pour l'Allemagne »). Il s'agissait d'une devise utilisée par les SA, formation paramilitaire du parti nazi qui a joué un rôle essentiel dans la conquête du pouvoir d'Adolf Hitler. En Allemagne, la loi interdit formellement l'utilisation de slogans nazis ou l'exhibition de symboles du IIIe Reich. Björn Höcke avait affirmé ignorer que cette phrase était un slogan nazi, mais les juges ont estimé qu'il le savait parfaitement.
Le printemps 2013 a marqué le point de départ de l'ascension politique de ce père de quatre enfants : il a été membre fondateur de la section régionale de l'AfD en Thuringe, Land de l’ex-Allemagne de l’Est, où il avait déménagé cinq ans plus tôt. En août de la même année, il en est devenu le président. Après les élections régionales de 2014, où l'AfD est entrée au parlement de Thuringe (avec 10,6 % des voix), il en est devenu le chef du groupe parlementaire, fonction qu'il occupe toujours. En raison de positions très radicales, l'AfD de Thuringe, comme celle de Saxe-Anhalt, ont été placées sous la surveillance des services de renseignement.
Nostalgique de l’ex-RDA
Même s'il n'a pas grandi dans l'est de l'Allemagne, il sait parfaitement s'adresser aux citoyens de l'ex-RDA, cultivant leur nostalgie. La veille du scrutin, il a posté sur son compte X une vidéo le montrant en train de chevaucher avec des jeunes de la région une motocyclette de la marque culte de l'ex-Allemagne de l'est, une Simson. Après avoir signé des autographes, il affirmait : « C'est un morceau de liberté, un morceau d'ancienne culture et nous nous battons pour les traditions ».
Une « Ostalgie » qu'il cultive à travers des positions pro-russes assumées : opposé à la poursuite des livraisons d'armes à l'Ukraine, il est favorable à des négociations avec la Russie, « un pays en difficulté » et qui « veut la paix », disait-il lors d'un récent débat de campagne électorale
« Prêt à prendre des responsabilités pour gouverner »
Dimanche, lors de la large victoire de l’AfD en Thuringe - première région où des nazis arrivèrent au pouvoir en 1932 -, Björn Höcke s’est dit « rempli de fierté » et « prêt à prendre des responsabilités pour gouverner ». Il a également prévenu ses adversaires : « traditionnellement, on invite le parti le plus fort à discuter ». Mais celui qui se dit « prêt à des coopérations » avec d'autres partis s'expose à une fin de non-recevoir de la part de toutes les forces politiques qui ont exclu de gouverner avec l'AfD.
Lundi, le chancelier allemand Olaf Scholz a en effet appelé à exclure de toute majorité politique l'extrême droite en Saxe et en Thuringe.