Désinfox Un candidat aux législatives peut-il diffuser de fausses infos sur un tract ?

Sur ses tracts de campagne, le député RN sortant Julien Odoul a égrainé de nombreuses contre-vérités sur le programme du Nouveau Front populaire. Une manœuvre légale ?

La rédaction - 26 juin 2024 à 17:35 - Temps de lecture :
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Julien Odoul, candidat du Rassemblement national, est pointé du doigt pour ses tracts visant le Nouveau Front populaire. Photo Sipa/Nicolas Messyasz

Julien Odoul, candidat du Rassemblement national, est pointé du doigt pour ses tracts visant le Nouveau Front populaire. Photo Sipa/Nicolas Messyasz

Interview, débats télévisés, meetings… Il n’est pas rare qu’au cours de campagnes électorales comme celle que nous vivons actuellement, des candidats usent de raccourcis ou d’imprécisions pour critiquer les programmes de leurs adversaires. Mais ont-ils le droit de vraiment « mentir », à leurs dépens ? C’est la question qui a été soulevée par de nombreux internautes en découvrant le tract distribué par le candidat d’extrême droite Julien Odoul dans la 3e circonscription de l’Yonne, où il vise sa réélection.

Le tract que le candidat du Rassemblement national a distribué aux électeurs entend opposer ce qu’il qualifie de « danger de l’extrême gauche » au « choix de la République » (le RN, de son point de vue). Il égrène ensuite longuement des mesures que prendrait le Nouveau Front populaire s’il arrivait au pouvoir : « La fermeture de CNews et censure de tous les journalistes qui ne sont pas de gauche », « le viol de la propriété privée », « la suppression de la brigade anticriminalité », « l’accueil inconditionnel de tous les migrants », le « racket de votre épargne pour financer la politique d'immigration » ou encore le « soutien aux islamistes »... Et pourtant, aucune de ces « mesures » ne figure dans le programme du Nouveau Front populaire.

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Mensonges ou exagérations ?

Les photos des tracts en question ont rapidement circulé sur les réseaux sociaux, où des internautes se sont interrogés quant à la légalité d’y écrire de fausses informations. « Le tract du Rassemblement national caricaturant les positions du Front populaire est grossièrement inexact, voire mensonger, destiné à faire peur à l'électeur [...] Mais de tels dévoiements font partie de la liberté d'expression, renforcée pendant les campagnes électorales », explique à nos confrères de France 24 Jean-Pierre Camby, constitutionnaliste. L’appréciation des exagérations est donc particulièrement large durant les campagnes électorales. Difficile, donc, de porter plainte ou de faire interdire des tracts comme celui de Julien Odoul avant le vote.

Néanmoins, l’article L.97 du code électoral prévoit des sanctions en cas de « fausses nouvelles » susceptibles de fausser le scrutin. Et la sanction peut être sévère : « Ceux qui, à l'aide de fausses nouvelles, bruits calomnieux ou autres manœuvres frauduleuses, auront surpris ou détourné des suffrages, déterminé un ou plusieurs électeurs à s'abstenir de voter, seront punis d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 15 000 euros », indique-t-il.

Le cas des élections serrées

Encore faut-il qu’il y ait une plainte. Nicolas Soret, l’adversaire NFP de Julien Odoul dans la 3e circonscription de l’Yonne, qui apparaît en photo visé sur ce tract, ne pense pas avoir recours à la justice. « Julien Odoul fait du Julien Odoul : il joue sur les peurs. Si je l'attaque en justice, il instrumentalisera la décision, quelle qu'elle soit », a-t-il expliqué à franceinfo. « Je préfère consacrer mon temps à aller voir les gens. »

Quand bien même une plainte est déposée au motif de l’article L.97, la justice doit attendre après l’élection pour se prononcer. En effet, le juge doit pouvoir apprécier si les propos tenus ou écrits par un candidat ont pu fausser les résultats du scrutin. Ce qui peut être le cas lorsque l'élection s'est jouée à seulement quelques votes. Ainsi, si un tract mensonger est diffusé dans une circonscription où le scrutin s'est joué à peu de voix, le juge peut arguer que les fausses informations diffusées ont eu une influence sur l'élection, et ainsi invalider son résultat. Enfin, avant le scrutin, un juge peut être saisi en référé (en urgence) au titre de l'article 163-2 du code électoral, « lorsque des allégations ou imputations inexactes ou trompeuses d'un fait de nature à altérer la sincérité du scrutin à venir sont diffusées de manière délibérée, artificielle ou automatisée et massive par le biais d'un service de communication au public en ligne ».