Désinfox « Un enfant sur deux ne sait pas nager en 6e » : est-ce que c'est vrai ?
La députée La France Insoumise de Seine-Saint-Denis Aurélie Trouvé a affirmé récemment qu'un enfant sur deux ne sait pas nager en 6e. Les derniers chiffres officiels lui donnent plutôt tort, mais des disparités existent selon les territoires.
Le nombre de noyades mortelles s'élève cet été à 169 en juin et juillet, d'après Santé publique France. Photo d'illustration Sipa/Jeanne Accorsini
Il nage (très vite), longtemps, toutes les nages, et plutôt bien. Le nageur français Léon Marchand a éclaboussé de son talent les Jeux olympiques en décrochant la médaille d'or sur les quatre courses individuelles sur lesquelles il était engagé. Un immense succès sous les yeux du monde entier. L'occasion pour la députée La France Insoumise de Seine-Saint-Denis Aurélie Trouvé de surfer sur la vague pour remettre au cœur de l'actualité un sujet important : le niveau en natation des jeunes Français.
Un sujet terriblement d’actualité alors que le nombre de noyades mortelles est, cet été encore, conséquent : 169 en juin et juillet, d'après Santé publique France. « Très fière de Léon Marchand et de ses exploits. Mais je serais encore plus fière de mon pays s'il donnait à chaque enfant les moyens de savoir nager. Un enfant sur 2 ne sait pas nager en 6e », affirmait ainsi la députée dans un tweet publié le 5 août.
Roxana Maracineanu avançait le même chiffre en 2019
Une déclaration qui n'a pas manqué de faire réagir la ministre des Sports démissionnaire, Amélie Oudéa-Castéra : « Chiffre faux (...) Contrairement à ce que vous écrivez, plus de 4 élèves sur 5 savent nager à l’issue de la 6e », a-t-elle écrit sur X. Mais alors, qui dit vrai ?
En 2019 déjà, Roxana Maracineanu, ancienne championne de natation et alors ministre des Sports, réagissait au nombre conséquent de noyades infantiles dans une interview au Parisien, et avançait le même chiffre : « La moitié des collégiens, en fin de 6e, ne savent pas bien nager. »
Une enquête annuelle
La priorité aujourd'hui mise en avant par l'Éducation nationale est claire : « Que 100 % des élèves sachent nager dès que possible au collège ». Depuis 2021, la Direction générale de l’enseignement scolaire (Degesco) mène donc une enquête auprès des 6 966 collèges (publics et privés) français pour connaître la part d'élèves sachant nager, en début et en fin de 6e. Celle-ci se base sur la part d'élèves qui ont obtenu l’attestation du savoir-nager en sécurité (ASNS).
Les derniers résultats connus datent de juin 2023 et se concentrent sur l'année scolaire 2022-2023. Cette enquête prenait en compte 410 636 élèves, 64,5 % des établissements ayant répondu au questionnaire. Ainsi, selon eux, 82,9 % élèves savaient nager en fin de 6e contre 66,3 % en début d'année. Si cette enquête est imparfaite puisque plus d'un tiers des établissements n'ont pas répondu, les chiffres qui en ressortent correspondent peu ou prou à ceux avancés par Amélie Oudéa-Castéra.
Des disparités selon les académies
L'enquête de la Dgesco montre également les disparités qui existent selon les académies (et donc les régions). Si le nombre d'élèves sachant nager en sortie de 6e dans les académies de Grenoble (88 %) de Dijon (84,4 %) ou de Lyon (83,8 %) est supérieur à la moyenne nationale, ce n'est pas le cas pour quatre territoires d'outre-mer (la Réunion, la Guadeloupe, la Guyane et Mayotte) et pour l'académie de Créteil, qui regroupe trois départements (le Val-de-Marne, la Seine-et-Marne et la Seine-Saint-Denis). Dans cette dernière, 72,7 % des élèves savent nager en fin de 6e. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ces disparités, notamment l'accès aux bassins pour les collèges.
L'académie de Créteil a, elle, mené sa propre étude en fin d'année scolaire 2021. Et les chiffres observés cette année-là se rapprochent, pour le département de Seine-Saint-Denis, où a été élue la députée Aurélie Trouvé, de son affirmation. Basée elle aussi sur les réponses des différents établissements, cette enquête montre que dans le département, 74 % des élèves ne savaient pas nager en entrant en 6e, et qu'ils étaient encore 51 % en fin d'année scolaire. Des résultats qui peuvent être nuancés par la pandémie de Covid : pendant les confinements et même jusqu'au début de l'année 2022, les cours d'EPS en piscine étaient déconseillés voire interdits suivant les périodes.
L'héritage des Jeux
L'enquête menée au niveau national par la Dgesco révèle également des disparités sociales. Dans les REP (réseaux d'éducation prioritaires), 50,3 % des élèves savent nager en entrant en 6e, et ils sont 72,5 % en fin d'année scolaire. Dans les REP+, les chiffres sont encore plus édifiants : 39,6 % des élèves seulement savent nager en entrant en 6e et 62,9 % en fin d'année scolaire.
Alors qu'il est aujourd'hui question de l'héritage des Jeux olympiques, pour lesquels un centre aquatique a été bâti à Saint-Denis, gageons que la part d'enfants sachant nager au terme de leur première année au collège batte tous les records... Comme Léon Marchand.