L'édito Une percée qui oblige
Deux ans et demi, déjà, que l’agression militaire russe se poursuit en Ukraine. Si l’on fixe le début du conflit à l’annexion de la Crimée, il convient même de parler de décennie. À quoi assiste-t-on depuis lors ? Pour l’essentiel, à une lente et sale guerre d’usure menée sur le front Est du Donbass. Les Russes y grignotent certes du terrain, mais au prix de pertes humaines effarantes (le ministère britannique de la Défense vient de les estimer à plus de 70 000 hommes pour les seuls mois de mai et juin dernier).
Une guerre d’usure, complétée de tirs de missiles de plus en plus sporadiques, mais souvent - trop souvent - lancés sur des cibles civiles dépourvues de valeur stratégique. Le but est limpide : continuer à plomber le moral des Ukrainiens. Et pourtant, ils tiennent toujours, au grand dam de Vladimir Poutine. Mieux, ils contre-attaquent là où personne ne les attendait, et surtout pas le maître du Kremlin : sur le sol russe lui-même, près de la ville de Koursk. Audacieuse mais risquée, l’initiative ukrainienne reste incertaine dans son issue. Telle quelle, elle ne peut suffire à rebattre les cartes du conflit, pas plus qu’à contraindre les Russes à négocier un accord de paix, ni même un armistice. Elle n’en possède pas moins plusieurs mérites. Le premier, évident, est de ragaillardir un peuple résilient, mais usé par de longs mois de conflit.
La percée ukrainienne apporte en outre un démenti cinglant à la propagande du Kremlin, en ridiculisant définitivement la fable originelle d’une opération militaire spéciale, prévue pour se dérouler loin, très loin de la « Mère patrie » - les milliers de frontaliers russes jetés sur les routes de l’exode le comprennent dans la douleur. Pour Poutine et ses généraux, obligés de redéployer leurs troupes en catastrophe, le camouflet est d’importance. Nul doute que leur réplique sera à la hauteur de l’humiliation subie. Qu’elle survienne dans 24 heures ou dans un mois, les alliés de l’Ukraine auront alors plus que jamais le devoir de lui renouveler leur aide, y compris et surtout sous forme d’armes.